Le soin rebozo : savoir- faire ancestral ou technique moderne ?

Le soin rebozo est un soin traditionnel mexicain, issu des savoir-faire ancestraux et de la médecine traditionnelle Maya.

Peut-être avez vous déjà lu cette affirmation ? Peut-être l’ai-je même écrite à une époque ? Certainement lorsque je ne savais pas. Lorsque je n’avais pas compris ce qu’impliquait réellement de revendiquer les origines du soin qu’on m’avait appris en France. Lorsque je pensais que respecter les origines du soin était justement de gommer ma personne derrière le Rebozo avec un grand “R”, de me faire toute petite derrière la sagesse ancestrale. Peut-être ai-je été un peu bernée par les personnes qui m’ont formée ? Peut-être n’étais-je pas prête à entendre ?

Aujourd’hui, j’ai cheminé. J’ai compris que les propositions en France autour du rituel rebozo n’étaient pas des copies de ce qui se pratique au Mexique. Que les usages présentés du rebozo, y compris au Mexique, ne s’inscrivent pas forcément dans des usages ancestraux. J’ai même compris que cette fameuse tradition revendiquée était en fait composée d’une myriade de pratiques (parfois contradictories), adaptées aux territoires et aux populations concernées. Comme le bol dit tibétain n’existe pas depuis la nuit des temps, le soin rebozo n’est pas ancestral, mais une construction de ces dernières dizaines/centaines d’années à partir de pratiques variées et tissées entre elles (ce qui n’enlève rien à leur puissance et leur richesse).

Est-ce que cela fait du soin pratiqué ici en France un simulacre de soin ? Et ceux qui le pratiquent des imposteurs ? Peut-être que le soin rebozo tel que pratiqué en France n’est rien d’autres qu’une somme de techniques modernes, adaptées à nos besoins collectifs et individuels ? Une sorte de transposition pour occidentaux pressés et en mal d’authenticité ?

Ces questions tournent dans ma tête et de celles de beaucoup de praticien.nes qui s’inscrivent dans une démarche de réflexion éthique. Ces questions sont mêmes anxiogènes car elles sous-entendraient que le soin que nous prenons plaisir à donner ici est issu d’un malentendu. En effet, pratiquer le soin rebozo aujourd’hui revient à vendre un savoir-faire traditionnel, c’est à dire à faire la promesse à nos clientes que, entre nos mains, elles vont bénéficier de la sagesse d’un peuple ancien et savant. Même si ce n’est pas notre intention, le simple fait que le soin rebozo se développe et soit de plus en plus connu, créé cette confusion : les personnes qui nous contactent s’en remettent à nous, et au travers de nous, s’en remettent à cette sagesse ancienne.

Mais comment l’envisager alors même que ces techniques ne s’inscrivent pas réellement dans une sagesse ancestrale et unique (mais plutôt dans des pratiques récentes et influencées par plusieurs inspirations) ? Comment rester alignée avec cette idée alors même que les formations proposées aujourd’hui varient entre 1 et 3 jours ? Pouvons nous vraiment penser que nous avons acquis ces savoirs en si peu de temps ?

C’est d’ailleurs pour toutes ces raisons que le Slow Rebozo ne propose pas de formation au rituel à 4 mains. Le cadre rigide dans la forme et flou dans les références historiques dans lequel il est parfois transmis me questionne depuis le début. Même si j’adore le pratiquer, même si il fait sens pour moi, ce n’est pas ma place de le transmettre. Il y a trop de malentendus.

Je pense qu’il est grand temps de nommer mieux les choses. De dire ce que nous offrons à nos client.es. De décrire comment nous en sommes arrivées à aimer leur offrir ces espaces. De préciser quelle est la proposition. De dire ce qu’ils sont et ce qu’ils ne sont pas. De sortir du bois en quelques sortes.

Lever ce malentendu est important par respect des origines du soin et du tissu. C’est également vital pour rester éthique vis à vis de nos clientes. Mais aussi pour nous praticiennes, pour nous situer et mieux faire briller qui nous sommes. Car ce que nous proposons a de la valeur. Il suffit juste de mieux en parler, sans y mettre forcément une filiation automatique avec des pratiques qui viennent de cultures qui ne sont pas les nôtres.

C’est tout le sens de la démarche de création de Slow Rebozo®. Nommer. Se situer. Partager nos spécificités.

En parallèle de ce processus, je me suis engagée il y a des années pour valoriser le travail des artisans mexicains. Pour moi, ces réflexions sont concomitantes et complémentaires : je m’engage à mieux expliquer ce que je fais et ce que je propose, en gardant le mot rebozo, pour soutenir les achats de châles éthiques et permettre que le développement du Slow rebozo® ici reverse de la valeur la-bas. La marque m’aide à être identifiée et à continuer à parler de cette culture que je connais peu.

Oui savez-vous que je commence quasiment toutes mes formations en disant “Plus j’en sais sur le rebozo traditionnel, plus je comprends que je ne sais pas !” ?  Le sujet est vaste et j’évolue tous les jours. Alors ma démarche n’est pas exemplaire ni parfaite. Mais c’est le chemin que j’ai choisi d’emprunter.

Merci pour votre écoute.